mardi, octobre 31, 2006

POESIES-NOCTURNES


L'étrange faculté qu'ont tes lèvres d'effacer autour de moi les murs, le lit, les draps. Dans la pénombre de la chambre 'Violette', quand la maison s'endort sur nous, que la chaleur de ton corps s'accoude à l'immensité du don que tu souhaites m'en faire, je ressens la caresse calme et illimitée d'un souffle de vent qui, porteur d'un air maritime épuré, enroberait le rapprochement silencieux et inéluctable de deux îles. Préméditées. Le son nacré de ta voix, les mots subtils qui s'en échappent, qui achèvent leur formation dans un chuchotement si faible qu'il leur permet à peine de se glisser dans mon oreille. Les poèmes de Baudelaire, 'la mort des amants', l'intimité de tes sons, de ta respiration, du frottement de ta peau sur la mienne; l'intime conviction que seule l'approche de la mort pourra m'ouvrir à la vérité qui se cache derrière le bouleversement d'avoir été. Avec toi.

Ces perles de sueur qui s'échappent de moi, qui glissent sur ma peau, qui franchissent les espaces pour continuer leur voyage sur toi. Ces perles de mots qui voyagent dans les livres, sur les pages tant tournées, dans ta mémoire qui les retient par cœur, comme ton cœur qui les retient et me les livre entre deux baisers. Encore un peu sages. Ces perles de temps passées avec toi, à nous surprendre, à nous apprendre, du fond du cœur, à nous effrayer d'être si exactement soi.

Dans l'infinie solitude de la vie, que je regarde de face, tu es cet arbre rare, au milieu de la plaine, qui accroche à ses branches mon regard, mes espoirs, même si le vent tombe, même quand la nuit est noire.

Tu pousses en moi, tes racines tressent les miennes.
Je voudrais tout planter, t'emmener vivre à Sienne.
Qu'à ma vie, infiniment, tu tiennes.
Quoi qu'il advienne.


[Intra-Muros] [28]

lundi, octobre 23, 2006

LA-CASSETTE


Elle avait presque oublié le souvenir de l'existence. De l'existence de cette cassette, un support d'enregistrement qui mugit encore si vous trouvez le lecteur adéquat. Un éléphant qui s'assoupit, lentement, dans le cimetière des éléphants. Qui barrit encore si vous savez lui demander. Peut-être dans un placard, désordonné, ou sous un lit, abandonné. Seulement après avoir trouvé en vous-même le moment propice pour l’écouter.

Celle qu'elle fut il y a longtemps l'avait gardée, ensevelie sous des courriers, des cartes postales, des petits souvenirs de pas grand-chose, des vieux stylos, des plumes de corbeaux, dans une malle, son jardin secret, celui dont elle ouvrait naguère la grille avec une clé forgée dans l'innocence de ses dix-huit ans. A quelques mois près. Qu'elle a toujours gardée. La clef a peut-être rouillé; pas son innocence. Le temps a peut-être lui aussi rouillé; ses souvenirs sont parfois en partie rongés ; mais pas par les remords; oxydés simplement par l'inactivité, l'amoncellement des journées inutiles, des mois d'exil, des années bissextiles. Encore plus longues qu'avant.

Ce week-end, elle a pris discrètement le vieux magnétophone qu'elle avait donné aux enfants et a réinséré la cassette. Sur les deux faces, des leçons d'anglais. D'un côté. De l'autre... Cette cassette, gardée précieusement parmi les bribes de son passé, n'a jamais été celle sur laquelle je lui avais laissé ma voix, mais elle la conservait, persuadée que c'était celle-là. Peut-être fut-elle bien celle-là, jusqu'au jour de la maladresse. L’effet de surprise passé, la déception fit ressurgir en elle les brumeux contours hypothétiques d'un sentiment lointain qui tentait de s’effacer: le contenu de la cassette, le son de ma voix, comme une lettre que je lui écrivais, que je lui lisais. Elle se revoit assise dans sa chambre, tant d’années auparavant, dans cette maison où elle n’habite plus, devant le petit magnétophone. A écouter. A l'écouter. A la réécouter. Ses oreilles qui entendaient pour la première fois une voix qui lui disait qu'elle l'aime. Une voix qui voulait qu'elle lui réponde de la même manière; j'entends, sur un support identique. Elle n'a jamais pu. Elle n'a jamais voulu. J’entends, elle n’osait pas.

Assis en face d'elle dans un coin, au coin de la rue, au café du coin de la rue, j'ai les yeux qui se noient au fond de sa tasse de thé. Etait-ce un morceau de moi qu’elle voulait garder, par amitié, pour fleurir son jardin secret ? Où l'avait-elle gardée parce qu’elle pressentait qu'on allait se perdre. Se perdre de vue. Peut-être définitivement. Je n’ose lui demander. Etait-t-elle sentimentale, accordait-elle une place particulière à chaque objet ? Cette cassette qui traversait le passé. Sous une fausse identité… Une partie d’elle même l'a-t-elle trahie, en somme ? Comme un meuble drapé dans une maison abandonnée, que l'on revisite plusieurs décennies après, et si la forme est toujours là, le meuble a disparu sous le drap. Il y a bien quelque chose qui ressemble à un meuble ; mais ce n’était pas celui là... Sa main tremblait-elle quand elle a introduit la cassette ? S’est-elle sentie emportée par l'ouragan du doute en découvrant que le meuble n'était plus là ; peut-être plus loin, peut-être l'autre face. Le drap soulevé, le meuble qui se dématérialise et disparaît. Et de se raccrocher au drap, pour ne pas qu'il s'envole ; de le regarder, de lui parler, de tenter dans un effort de se souvenir intensément du contenu de cette cassette, qui n'est plus celle qu’elle croyait être.

Et puis le retour à la réalité, une cassette d'anglais dans la main. Et ranger le magnétophone, et repartir dans le présent, et laisser ce passé qui doublement n'est plus. Le passé n'est plus, et la cassette n'était pas. Dans la beauté et la pureté de ta confession si douloureuse, dans ce sentiment que tu as peut-être d’avoir égaré une partie de moi, j'ai envie de te consoler. Je ne sais pas si je te comprends, si tu me comprends. Mais si mes lignes te font penser à toi, laisse-moi alors te consoler.

Certaines choses n'ont aucune valeur. Au départ.


[Intra-Muros] [27]

dimanche, octobre 15, 2006

FINGERTIPS (1)





[Mémoire oubliée d'un corail] [Voiker]
[Oct. 2006]

vendredi, octobre 13, 2006

STIGMATA-OF-MISTER-J




Les phénomènes émergents / la porcelaine et le volcan / l’esthétique du chaos / les romantiques allemands / la physique quantique / construction et futur / dans l’océan, les barbares / même l’horizon a disparu / pourtant aucun retour en arrière n’est possible / nous marchons dans le néant / à quel feu à quel flamme à quel phare fixer notre regard
- La révolution est un jeu d'enfant -
Sur la mer de la parole nous devons prendre nos compas et partir à la recherche de l’île de la vérité / l’œuvre d’une vie / la révélation, les révolutions / les mathématiques / amour, guerre et fin des temps / le désordre est un départ, est une histoire ; est une oeuvre d’art




[Recadrage] [4]

mercredi, octobre 11, 2006

PARADIS


Je te les confie, à voix basse, mes paradis minimaux, dans l'anonymat de qui je suis et que tu connais. Ces petits instants de ma vie quand je suis seul avec moi, ces instants secrets durant lesquels j'essaye d'être libre de moi, ces instants où je ne tente plus rien, plus rien qui n'ait de sens aux yeux de tout un chacun, ces instants qui s'arc-boutent sur tous les autres, qui les contiennent peut-être, ou qui les sous-tendent, ces instants qui sont finalement déconnectés de tout le reste, à moins que ce ne soit eux, les restes. Reste encore un peu, viens, je veux te parler d'un certain moi, incertain moi, un parmi tant d'autres, instants parmi tant d'autres.

Sais-tu que je visite parfois l’arrêt cardiaque de mon esprit, tentant de ressentir la non-existence, que j’essaye peut-être de m’en rappeler ? Comme s’il était possible de la vivre. Comme s’il était possible de m’en rappeler.

Sais-tu que je pose souvent mes yeux sur Cassiopée, qu’elle me sert peut-être de table de chevet, quand je laisse enfin reposer mes états d’âme pour aller rejoindre Morphée, à défaut de tes bras ; que je lis puis relie les points lumineux de lignes imaginées, de tracés en pointillés; que je me demande s’il est possible de me voir ici, de là-bas, si j'étais là-bas ?

Sais-tu que sous la pluie, la tête relevée et les bras le long du corps, comme une fusée oubliée, je laisse les gouttes frapper mon dos et me traverser pour ressortir de l’autre côté, que je ne suis plus mon obstacle à l’expression des rêves et des réalités, que j’aime à caresser ainsi de l'intérieur l'élément primaire de la vie ?

Sais-tu que j’entends le bruit de l’eau qui s’écoule, une rivière, un torrent, et les cris de quelque animal indulgent, le seul qui restera vivant dans plus vraiment très longtemps ?

Sais-tu que, les mains dans mes pensées, Je mélancolise comme un peintre les moments anciens de ma vie, ces lieux où je suis passé, murs, routes, forêts, qui ne peuvent se souvenir de moi et dont je suis le seul à pouvoir me prouver en avoir connu l'existence à cet instant là ? Nul autre que moi. Ne s’en rappellera. Du touché des troncs d’arbres dans les églises, des colonnes dans les forêts.

Sais-tu que je pense souvent aux huit minutes qui se décompteront entre le moment où le soleil s’éteindra et celui où la nuit se lèvera, définitive ? Que je pense à l’intensité de nos paroles quand ce sablier ultime s’écoulera.

Sais-tu que j’ai le mot 'métamorphose' qui s’est hissé de mon inconscient comme une bulle d’air remonte à la surface de l’eau, et que depuis j'en compte les lettres, en me disant que chacune d'elle est une semaine qui va passer ? Que la lettre qui finit ce mot marquera le début d'un autre. Moi.

Sais-tu que je m'imagine demain couché près de toi, entre les draps du temps, que je les remonte du bas du lit jusqu'à tes épaules, pour que tu ne prennes ni rides, ni froid ?

Sais-tu que je nous imagine disparaître un matin dans la brume d’une autoroute, la finesse des mots nous ayant déposés sur une ère de repos, là où la lenteur du temps est illimitée ?

Vois-tu, j’en garde quelques autres à t’avouer de vive voix, lors d’une prochaine escale. A toi, à toi, Mon paradis maximal.


[Intra-Muros] [26]

vendredi, octobre 06, 2006

LE-FORUM


Je préfère les paradis minimaux, ceux de la mélancolie, ceux de la réflexion à cœur ouvert, quand je me dépose dans le vent des étoiles et assiste, bercé par le refrain mélodieux de mon impuissance, aux balais célestes, aux mouvements des nuages, au frémissement désuet de ma propre conscience prenant conscience de sa propre inutilité. Peut-être que cette femme les préfère aussi, ces paradis, et qu’elle en privilégie l’accès au quotidien par quelques litres de mauvais vins.

L’abrupt présent. Un week-end près de Calais, une ville dont le nom évoque un verbe conjugué à l’imparfait ; un plein d’essence dans une station service, l’odeur nauséabonde qui y règne, qui cherche peut-être à suggérer l’essence même de ce qui nous fait avancer ; une station plantée là sur la chaussée de droite, irréelle dans ses formes et dans ses couleurs, entre la ville, l'autoroute, la mer, en bordure du Temple. J’y abreuve ma voiture, qui boit sans avoir soif ; je hais les endroits qui n’existent que pour leur fonctionnalité. J’entre dans le magasin pour payer le plein et la rançon, regarde les rayons, me demande pourquoi ils souhaitent absolument faire manger ma voiture aussi. Une femme obèse entre sans saluer celui qui, devant moi, ne sert plus de pompiste; elle file droit au rayon des alcools et prend une bouteille de rosée à la main ; elle la regarde pour la rassurer, la serre contre elle comme on prend soin d’un enfant malade. Elle sait sûrement qu’elle ne vient déjà plus chez eux par hasard.

Elle est obèse ; elle n’est pas jolie ; elle porte un pull rose. Obèse. Pull rose. Bouteille de Rosé. Obèse. Pull rose. Bouteille de Rosé. Obèse. Pull rose. Bouteille de Rosé. Obscène. Pull bouteille de rosé. Overdose. J'ai tellement peur de deviner le sens de la vie qui sévit ici. Tellement peur que cette bouteille soit son carburant à elle. Tellement peur.

Je suis au centre du nouveau centre, la tête ivre du panorama, vêtu d’une toge, si vous voulez bien m’imaginer comme ça. Je passe ma matinée au forum, si vous voulez bien me laisser l’appeler comme ça. Je n’y vois plus de place publique, juste des parkings sans fin qui ne s’embarrassent même plus de cacher leur finalité ; je cherche des yeux -sans le trouver- un lieu pour échanger ou marchander, traiter d’affaires politiques, être aujourd’hui, rêver demain. Je cherche en vain à admirer les complexes architecturaux, mais tout s’affiche au travers de la pauvreté des bardages métalliques, des panneaux criards, des mélodies hypnotiques, des portes automatiques, des cartes plastifiées ; des vies falsifiées. Léthargie de l’esprit créatif, fin des espoirs sur la fresque du savoir, les frises de la beauté ; plus de galerie d’art, ni de bibliothèque. Et toutes ces statues, plus humaines que jamais. J’en perds mon latin. Le forum tout entier n’est qu’un seul et unique Temple. De la consommation. Toute son architecture signifie d’une manière atrocement réaliste les raisons mêmes de sa construction.

Je remonte en voiture. Cette femme ère en moi, il faut que je la libère, ici ou là, ici en l'occurrence. Dans son pull rosa rosa rosam, rosae rosae rosa.


[Intra-Muros] [25]

mercredi, octobre 04, 2006

PEAU-AIME-(27)

Un puzzle,
Immense,
Plein de couleurs.
Deux pièces,
Au milieu,
Exactement.

[Un Puzzle] [D.]