mercredi, juin 27, 2007

PREMIER-ALBUM


amigos musicos, créez votre album sur jamendo !!

lundi, juin 25, 2007

NAPHTA


Jusqu’au goulot des bouteilles, en lieu et place du liège.

Aux premières loges, dès la première lueur, perché sur un monticule d’immondices, un amas de rejets, des rebus par milliers, une montagne de déchets. Ne pas y être enseveli, dans le balai du vent, mes plumes malmenées, étendard endeuillé planté au sommet d’un trône. Le trône. Du royaume de Naphta.

Sur la crête de la décharge, je suis un petit phare noir ridicule observant détaché tous ces restes insensés, -trop nombreux pour sciemment pouvoir donner à leur accumulation sur une étendue si vaste un sens véritablement rassurant sur leur origine, leur raison d’être, la facilité avec laquelle ils sont ainsi reniés, trop colorés pour ne pas manquer de souligner leur inadéquation avec la configuration naturelle des choses, trop précisément calculés dans leurs formes pour ne pas rappeler comme une insulte cette volonté effrénée et effarante de dénigrer aux hasards de la nature, ou à l’inspiration de l’artisan, le droit naturel à l’unicité, trop anodins et médiocres dans leur qualité au toucher sans pour autant, la honte mise de côté, les empêcher de se promouvoir, dans l’ignorance fertile et envahissante qui cancérise les cités, comme l’avènement suprême et ultime aux frontières de la modernité, trop nauséabonds dans leurs effluves au sortir de la production, pour ne pas sourire tristement quand certains vous expliqueront, vantardise convaincue, que cela ‘sent le neuf’- je regarde les ombres de mes pensées battre de l’aile et les écoutent se répondre à elles-mêmes, en ombres chinoises, reflétées dans le silence amorphe, déshumanisé, écervelé, de la paroi blanche et lisse d’une cafetière électrique rebutée, abject objet acté dans le plastique.

Ethylène et Propylène, molécules les plus consommées, enfantées dans le liquide embryonnaire du Naphta par des pères allemand et italien couronnés du prix Nobel de chimie ; Naphta originel, unité de base de la pétrochimie, substance même de la non-substance qu’elle incarne, que l’on en tire, qui nous désincarne. Comme des sangsues assoiffées du sang organiquement mort de la terre, usines et procédés du culte de Naphta remplacent la matière noble et les arts millénaires qui grandirent dans le respect des traditions, du temps qu’il faut au temps pour bien faire, des heures passées sur l’établi qui faisaient du moindre objet une œuvre génétiquement unique, l’expression isolée et sentimentale de celui qui l’a réalisée, une œuvre où chacune de ses pensées se retrouve emprise dans les contours d’un broc, d’une lampe, d’une table de chevet ; le respect des heures passées qui se fait gage de la convergence humaine entre celui qui créée et celui qui recevra, ce lien des heures passées qui crée l’essence de la chose, qui enroule autour de lui dans le silence et pour toujours les risques affrontés et vaincus, les doutes du créateur, la magie des doigts, les blessures parfois, et toujours le plaisir de s’investir pour un autre.

Ars, artis, du plus profond des cavernes de la langue où la flamme de l’expression vacille et cherche son assurance, artisan ou artiste, deux mots écartelés dont les sens un instant, l’espace de quelques siècles anciens alourdis d’armures et d’épées, de royaumes et de châteaux forts, ne firent qu’un.

Jusqu’au goulot des bouteilles,
en lieu et place du liège.





[Intra-Muros] [45]

mercredi, juin 20, 2007

INCONTOURNABLE

Cheval blanc


Ou alors prouvez-vous que vous aurez mieux à faire ce soir là...




ON-STAGE



Au Connetable hier soir, au 55 rue des Archives.
Il vous reste encore une éclaircie, mardi prochain...

vendredi, juin 15, 2007

ECHEC


C’était grotesque, vous me direz ; perdu d’avance. Ne prenez pas ça pour du défaitisme de ma part, c’est une manière pour moi de vous faire rentrer dans une sorte de proximité, de camaraderie, qui vous prépare une sortie, qui vous donnera le sentiment de vous rapprocher de moi même si, -mais je hurle à l’idée que tel sera le cas-, cette phrase si banale au premier abord viendra faire en sorte que nous ne puissions jamais être autre que de bons amis. Laissez moi d’abord vous raconter ma rencontre avec lui, au 3ème sous-sol du parking de sa société, grand groupe français qui aligne sur la façade de ses bureaux parisiens les plaques de certains des noms les plus prestigieux de la mode internationale et quelques enseignes de distribution.

Je ne connais pas l’homme, je sais simplement ce qu’il fait. C’est cette vague différence que je fais entre les deux, ce maigre espoir fondé sur la certitude que tout soldat ne tue pas par gaîté de coeur, qu’il arrive un moment ou l’absurde d’une situation prend le pas sur la croyance en ce rôle vital que l’on s’est imaginé y jouer ; cette vague différence qui me laisse souvent, et à tord, l’illusion qu’il existe chez l’autre une place, un interstice où la graine d’une réflexion peut germer, si je l’arrose, même si j’ignore tout du temps qu’il fait à l’intérieur.

Maigres sont les chances pour une idée de suivre son chemin si celle-ci n’est pas bien amenée ; par là, ce n’est pas la structure de la démonstration, la pertinence des exemples, le ton convaincant employé, la probité du cheminement intellectuel dont je veut souligner une quelconque importance ; par là, je souhaite mettre en avant la sincérité de celui qui transmet un message, l’authenticité avec laquelle il se mettra a nu avant d’aborder le fond de sa pensée, le mélange intensément discret d’humilité et de profondeur désintéressée, cette façon d’écouter du regard, cette manière non pas de parler avec ses tripes, mais de parler avec ses os ; et plus loin encore, cette manière de s’effacer et effacer le désir de convaincre, puisque tel n’est pas l’objectif, puisque d’objectif il n’est point, puisque ce mot lui-même n’a pas sa place, n’aurait peut-être jamais dû en avoir, d’ailleurs, ici ou ailleurs. La pluie ne tombe pas pour faire pousser les graines.

Il, sort de sa voiture, l’esprit visiblement dans ses dossiers, absent du présent, catapulté déjà dans les premiers instants d’une réunion qu’il a programmée quelques étages plus haut. Il valide aujourd’hui plusieurs semaines de travail intense, missionné par sa direction, pour centraliser certains services généraux en région parisienne, cure d’amaigrissement salarial un peu partout sur une soixantaine de sites en France, réduction des coûts internes, optimisation des ressources, centrage sur la valeur-ajoutée, suppression de quelques centaines de postes ; je lis dans ses gestes rapides la certitude inattaquable d’être sur la bonne voie, celle de la réussite d’un projet dont il était le chef ; l’excitation à l’idée d’une reconnaissance prochaine par la direction dans une phrase, un sourire, une poignée de main, une hausse de salaire, une prochaine affectation sur une mission encore plus importante pour l’entreprise ; l’autosatisfaction qu’il anticipe déjà de ce que lui percevra chez les autres comme du respect et de l’admiration ; la sécurisation de son plan de carrière, la mise à l’abri financière de sa famille, l’orgueil d’avoir su mettre ses capacités intellectuelles au service de la réussite financière de l’entreprise, le soulagement d’être rassuré sur sa propre place du bon côté de la barrière, la manière dont il pourra briller auprès de ses beaux-parents un prochain dimanche, la joie de partir bientôt pour des vacances méritées à Djerba. A trente-cinq ans, il est convaincu de la nécessaire mutation de sa société dont il veut être un acteur montant.

Il est un univers fermé, sa réalité est une vision conceptuelle et fonctionnelle de l’entreprise, il n’existe aucun pont lui permettant de franchir une barrière qu’il n’a de cesse de consolider. Il est le suicideur des autres, renforce sa perception du monde en lisant les Echos et le Financial Times à bord des avions, saurait même vous attendrir en vous vantant les valeurs du commerce équitable et en vous confiant son rêve de travailler pour une ONG dans une prochaine vie.

Un violent coup de classeur me déloge du rétroviseur, je n’ai même pas eu le temps d’entamer la conversation. Je me dépose une vingtaine de mètres plus loin et le regarde ; à la recherche de maudites traces de griffes, une phrase inaudible et coléreuse accompagne l’examen rapide du rétroviseur de sa belle voiture allemande.





[Intra-Muros] [44]

mardi, juin 12, 2007

[FINGERTIPS5]

--------------- 'Les deux possibles' (c) - Piano by Voiker recorded June 12 - 2007

lundi, juin 11, 2007

EXTRACTIONS-SOIXANTE-ET-UN

----- Hermann Hesse / Le loup des steppes
----- Calmann-Levy, 2004 /\ Der Steppenwolf, 1927

« Celui qui désire vivre aujourd’hui en se sentant pleinement heureux n’a pas le droit d’être comme toi ou moi. Celui qui réclame de la musique et non des mélodies de pacotille ; de la joie et non des plaisirs passagers ; de l’âme et non de l’argent ; un travail véritable et non une agitation perpétuelle ; des passions véritables et non des passe-temps amusants, n’est pas chez lui dans ce monde ravissant… »

READ DURING WEEK 20/07
Les autres extractions du livre, ici.

lundi, juin 04, 2007

SIRENES


Les battements désordonnés du cœur des mouettes, les virages accidentés qui rythmaient leur vol, donnant cette illusion qu’un enfant malsain les télécommandait à distance, armé d’une méchanceté ludique si caractéristique à son âge, que l’on croît disparaître au fur et à mesure qu’il grandit, que l’on retrouvera plus tard jusque dans les faits les plus anodins de sa vie, ce petit goût de vinaigre résiduel dans chaque être humain, si aisément décelable, sans diplôme d’œnologie, chez ceux qui ne cachent plus au combien ils sont aigris.

Les mouettes, gueules ouvertes, tentant désespérées, tels des fantômes insomniaques qui hésitent, essayent puis renoncent à vouloir enfin tout raconter, de rattraper le cri qu’elles viennent tout juste d’expulser, dans la sonorité froide du gris du ciel dont elles ne peuvent ni se détacher ni se montrer propriétaire, existences déposées là dans le hasard des steppes aériennes comme les arbres torturés qui saupoudrent la Sibérie des mêmes ombres accusées, plus rongées encore peut-être de l’intérieur que les coques de ces bateaux sombrés qui tentent de définir, sans oser négocier, la manière dont ils vont bien pouvoir dorénavant trouver leur place.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante dans les vagues insolentes et envoya par le fond drakkars et goélettes, rafiaux et galions, trois mâts et humbles voiliers, navires de guerre et leurs armées, esclaves et marins, pirates et marchands, corsaires et flibustiers, antiques épaves célèbres et oubliées, dans le déchaînement des éléments naturels, des boulets, des torpilles, des avions kamikase.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante dans les vagues indolentes et échoue pour de bon tankers et pétroliers, transporteurs d’hydrocarbures bruts ou raffinés, qui se pâme comme une veuve libérée dans l’écharpe mortuaire qui s’échappe du corbillard, robe de deuil recouvrant toutes les tombes, épargnant, seuls, certains rochers plus élevés qui s’extirpent dans l’effort pour respirer et qui semblent tendre, le regard halluciné, une main vers le ciel pour demander secours au divin.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante aux oreilles des princes du Moyen-Orient, pour qu’ils saignent la terre de son sang d’ébène, arpentant les mers de sable un faucon perché sur le bras, aussi sacré pour eux que l’embonpoint d’opulence et d’orgueil qui les trahit délibérément; qui chante aux oreilles des princes de l’industrie, spécialistes de la transfusion, pour qu’ils éclaboussent les côtes avec le sang froid, le détachement et le sentiment de culpabilité d’un tueur à gages entre deux basses besognes.

Sirènes et naufrages, mouettes & Chandon, le carburant sur leurs plumes est encore plus noir que vous ne le pensez.





[Intra-Muros] [43]

dimanche, juin 03, 2007

EXTRACTIONS-SOIXANTE

----- Julien Gracq / Un balcon en forêt
----- Librairie José Corti, 1958

« Le théâtre de la guerre… songea Grange. Le mot n’est pas si mal trouvé. Ce qui l’étonnait, c’était cette enflure brutale, cette manière tonitruante, tintamarresque, de planter le décor, et puis soudain cet oubli, ce vide – comme d’un ivrogne qui cogne sur la table à la fendre en deux, puis cherche obscurément du fond de ses brumes à se rappeler à qui au juste il en avait. »

READ DURING WEEK 19/07
Les autres extractions du livre, ici.