jeudi, décembre 27, 2007

N.O.O.T.I. -(10)

La grande majorité, pour ne pas dire la totalité –puisque ceux qui n’en émettaient pas l’idée n’en formulaient pas expressément une autre- des personnes à qui j’ai expliqué être en train d’écrire un roman, m’imaginait –et peut-être alors les ai-je déçus- écrire la nuit.

Je pense que le fait d’écrire un roman ouvre d’abord en eux une fenêtre sur l’image spontanée –enfantine, et pas vraiment réfléchie- de l’univers mythique d’un écrivain, et qu’ils ne conçoivent ce dernier s’adonner à son activité –passionnante- que de nuit et à la lueur d’une bougie. Je pense également que le travail de la pensée maniée d’une façon aussi volontaire qu’au travers de l’écriture s’apparente en eux à faire travailler son imaginaire, et que ce terme s’associe avec naturel aux rêves et à l’inspiration, conforme à cette non-visibilité du monde pendant la nuit qui garantit un travail éclairé de reconstruction du monde par l'esprit –une idée très abrutie puisque la création de l’esprit ne nécessite aucun éclairage, hormis celui directif qui s’apparenterait à une tentative de l’orienter).

Je pense également que l’activité d’écrivain ne peut être considérée par eux comme une activité diurne, tant leur quotidien ne laisse pas de place à la réflexion, d’une part, et tant un quotidien fait d’écriture tel qu’il pourrait le percevoir ne peut se remplir par ce qu’ils estiment probablement être du vide, ce quotidien de l'écrivain ne nécessitant peut-être ni interaction avec autrui, ni déplacement du corps ; l’écriture se doit donc d’être prise sur la partie nocturne d’une vie, celle-ci par définition n’étant ni favorable à la rencontre de qui que soi dans la rue, ni à une quelconque obligation de se déplacer, les magasins et les bureaux étant fermés.

Donnez-moi d'autres raisons multiples pour les comprendre / de les comprendre.


Not Out Of The Inn (numéro -10-)

mardi, décembre 18, 2007

N.O.O.T.I. -(09)

Pleurer, non pas de ces larmes tiédies par le petit bout de chemin qu'elles parcourent en glissant, sous mes mornes yeux cernés, solitaires et mendiantes; pleurer de celles inexistantes d'un regard intérieur attardé sur la douloureuse flamboyance des mirages de l'existence au travers du mirage de ce même regard.
Garder ainsi (au minimum) cet oeil impitoyable sur soi-même.

Lire Fernando Pessoa.

"rendre purement littéraire la réceptivité de nos sens; et les émotions, si leur apparition risque de nous amoindrir, les convertir alors en matériau simplement apparu pour en faire naître des statues sculptées en phrases fluides et scintillantes..."

[Le Livre de l'Intranquillité] [L.I. 388]


Not Out Of The Inn (numéro -09-)

mardi, décembre 11, 2007

N.O.O.T.I. -(08)

Je suis arrivé à l'auberge, hier soir, enfin; un 'enfin' que je suis le seul à comprendre et dès lors je ne peux le partager. Je suis définitivement installé de manière temporaire dans une maison que je découvre telle qu'elle fut, telle qu'elle est, selon le degré de rénovation de la pièce où je me trouve, une maison qui s'allonge dans les hauteurs, de la cave jusqu'au second étage, en empruntant un escalier étroit et raide, qui mène jusqu'à ma chambre d'adoption dans les combles pour les trois mois qui viennent. Seul dans une grande maison de bord de mer. Je comble les combles, et le roman que j'ambitionne d'écrire ici comblera quelque chose en moi, avant de peut-être combler un jour quelque chose chez d'autres, ou de combler tout court. Un grand merci et toute ma gratitude à Alain et Stéphanie qui me louent leur maison pendant cette période.

Je continue bien sûr à faire vivre mon WIWILBARYU, mais vous me trouverez plus présent dans le quotidien de cette interlude sur Quelques Matins du Monde, en ligne depuis ce matin.

Plus présent, dans un quotidien à priori absent des lignes de ma main; mais dans la vie peut-on oser faire autrement ?


Not Out Of The Inn (numéro -08-)

jeudi, décembre 06, 2007

PILE-ET-FACE-AUTOUR-DU-CENDRIER

[Léna , merci, pour ce petit travail en commun]

La dernière cigarette, celle que toi et moi fumons là, l’un en face de l’autre, assis sur les chaises métalliques à la terrasse d’un café qui ne se souviendra pas de nous. La dernière cigarette, et non pas ‘les’ dernières cigarettes, même si la tienne et la mienne feraient deux en les additionnant; mais ne sommes-nous pas déjà chacun dans un monde séparé, nos mondes séparés depuis le début en fait, deux mondes qui se sont rapprochés si vite, si fort, si bien, que la conscience du danger qui se profile (tellement attirant en fait) nous a fait décider, dans la douleur -celle de ressentir si fort un possible futur (qui n’aura jamais lieu)- de s’arrêter là. La fumée de ma cigarette s’échappe, tranquille ; le temps qu’elle mettra pour se consumer n’a pas vraiment d’importance.

La fumée de sa cigarette s’échappe, tranquille; nous avons tellement fumé ce soir ; moi, plus que lui. Je les ai fumées les unes après les autres, sans les compter, sans me rationner. En aspirant lentement, devant lui, comme on aspire des bouffées d’air frais. Entre deux ronds de fumée, je lui ai affirmé qu’il me serait très facile d’arrêter. La preuve en était mon étendard brûlant entre les doigts. Malaise et interrogation dans son regard, petit sourire en coin pour moi. Propension à provoquer gentiment. Délicieux poison… Celle que je serre entre les doigts là, maintenant, est différente des centaines que j’ai pu fumer, auparavant. Le briquet allume la dernière cigarette, le conte de fée vit son apogée, le compte à rebours s’amorce. 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1… Et le tant m’échappe, je suis dans un sablier que la main du destin n'a de cesse de retourner. Je voudrais être le grain de sable mutin, celui qui reste accroché à ce monde qui lui appartient. Je regarde la cigarette se consumer, se désagréger, se transformer en cendres. Je fais diversion en entortillant mes cheveux… La dernière cigarette devant lui, ultime cigarette qui se consume en sa compagnie… Elle me brûle de là- jusqu’à -là. Tout un monde meurt dans et à partir de ce cendrier.

Notre dernière cigarette ensemble, et après tout pourra bien s'écrouler. Il n’y a plus ni urgence ni stress au sein de cette dernière durée qui nous unit ; une cigarette entre deux de mes doigts, ceux de l’autre main qui articulent lentement un rythme inaudible sur le métal de la table ; une cigarette entre deux de ses doigts, son autre main qui remonte une mèche rebelle une fois, deux fois, trois fois, puis attrape une autre mèche de cheveux, la fait courir de toute sa longueur au dessus de ses lèvres, et elle évoque alors pour moi un d’Artagnan dans le corps surprenant d’une femme et qui lui appartient. Chaque regard que je pose sur elle, seconde après seconde, se marbre d’un besoin d’éterniser son souvenir, comme le plongeur en apnée vide et remplit ses poumons abondamment avant de disparaître dans l’océan. Dont je ne remontrai pas. Se laisser me suicide quelque part, je tue celui que j’aurais pu être avec elle, celui qu’elle aurait pu avoir blotti près d’elle sous un tapis de feuilles de novembre, celui qui aurait voulu la voir sourire encore, encore, encore et encore, celui qui aurait… Celui qui aurait. Je la regarde : son corps, ses traits, ses yeux qui partent et reviennent, ludiques, ses yeux qui invitent à tout se dire et à se quitter en même temps.

Je n’arrive plus à fixer mon attention, je sens mes yeux qui partent vers lui et qui reviennent, j’ai envie de tout lui dire mais il faut nous quitter en même temps. Je le regarde se lever pour aller payer, je lui souris. Mon sourire sera, de moi, sa dernière vision. J’attends qu’il soit de dos pour me lever et commencer à partir. Mes gestes sont lents, je le scrute une dernière fois, afin de sculpter mes futurs souvenirs. Ce blouson qui me plait tant, parce que le sien. Mon dernier voyage vers lui. Il y a beaucoup de monde au comptoir qui attend, il patiente et ne se retourne pas. Il suffirait qu’il se tourne à demi, comme à demi-mots pour m’inviter à rester, et je n’aurais pas le courage de m’en aller, je ne saurais résister. Mais parait-il, il le faut… Sa manière à lui de me laisser raccrocher, décrocher. Une larme naissante me dicte de partir ; je ne supporterais pas qu’il la voit… L’une de celles que je suis ne pleure pas, elle crée juste un sourire dans la nuit. Cette cigarette dernière, unique, résumerait bien des choses, l’histoire d’une faim et d’un départ. L’une a envie de vivre de bout en bout. Mais un flot lacrymal immense m’emporte loin, loin de lui.

Je suis retourné au comptoir, j’ai payé, à mon retour, elle n’était plus là. elle a rangé sa chaise sous la table, j’imagine la dernière seconde de ses mains sur le dossier, son regard peut-être cherchant un dernier contour qui m’appartient, au travers de la vitre, le dos tourné. Je vivrai encore de longs mois avec les souvenirs que j’aurai en moi de ce futur que nous aurions pu être. Je l’aimerai encore à ma façon, de cette façon. Si c’est le verbe qui convient. La pluie se met à tomber, éparse, la lumière du jour faiblit, j’ignore si son départ y est pour quelque chose ; les gens s’effacent dans la rue, certains perdent leurs ombres maintenant. Je ne sais plus trop que faire de ma fin de journée. Elle est partie.

Je l’ai laissé seul, comme lui m’a laissé ainsi aussi ; J’attendrai avec patience, le jour d’après, celui d’une prochaine cigarette, peut-être en sa compagnie… Le jour où l’un et l’autre serons prêts pour un sentiment absolu. Cette journée portera un nom, celui d’une saison, la saison que j’avais temps espérée... Et si…, des si, des non, des jours manqués, ce manque, se manquer… Je ne sais pas, je n’ai jamais rien su, et je ne sais que vivre. La survie, je la laisse pour ceux qui se figurent tout avoir.




mardi, décembre 04, 2007

CONRAD-VEIDT

Conrad Veidt (danse)



lundi, décembre 03, 2007

N.O.O.T.I. -(07)

J’aurais aimé être une femme, les choses seraient-elles à refaire. Et tout en me formulant, je mesure le poids des temps employés dans cette courte phrase rythmée d’une virgule, et j’oscille entre l’écrasement d’une idée qui n’en sera jamais qu’une, et cette puissante liberté infinie que nous avons tous à pouvoir exprimer et presque vivre, (hélas) souvent, dans le regret, ce que l’on appelle si communément une idée.

Tout est création, et je réfléchis intensément quand j’écris une chose aussi banale ; création dans la beauté quasi mystique de tout cet univers diffus qui gît en moi et qui motive ce qui émergera de moi, dans quelques secondes, dans quelques heures, dans quelques mois. Et je me rêve à pouvoir exploser de ce don ultime qu’est le don de soi, m’ouvrir jusqu’à l’essence même de l’essence qui m’est, dans l’intense sublime, le crucial de la définition de l’existence, avoir la conscience de l’instant où je serai la naissance d’une œuvre, une œuvre qui viendra de moi, quand mon corps se mariera avec le sien, que l’univers me traversera et que je saurai désespérément que je crée un pas de plus vers l’éternité et le dérisoire, et que des mois plus tard, naîtra l’œuvre d’art issue de cet instant intangible.

De la beauté de l’idée, de la beauté de l’émergence, de la beauté d’œuvrer dans le sens de la vie, d’être celle qui est et qui fera devenir.

Je ne dis plus rien, car la suite ne vaut plus rien. La lassitude du puit sans fond de mes sentiments lorsque je vois ces œuvres d’art l’arme à main, les bains de sang, l’arrogance identitaire, l’appétit de pouvoir, la petitesse fortifiante, les coups bas, l’appât du gain, la méchanceté à tout âge, la soif d’échec pour les autres ; l’horreur des pensées humaines.

J’en arrive à la certitude que la vie se déteste elle-même.


Not Out Of The Inn (numéro -07-)

samedi, décembre 01, 2007

NY-2008

Comme chaque année s'annonce l'heure de grands moments privilégiés, celui (1) du temps que je m'accorde pour préparer ma carte de voeux, anticipant (2) celui où mes proches et mes lointains la découvriront. Chaque année la même constance: comment faire pour arracher les gens à la torpeur d'une vie ? (*) (**)

N'oubliez-pas de m'envoyer votre adresse postale si vous en voulez une dans votre boîte aux lettres (la vraie, celle à gauche de la grille)

(*) Je préciserai que cet effort est vain, que j'en suis conscient, qu'il s'applique à moi-même, que j'ai des moments de lucidité rares mais plus fréquents.
(**) Cet effort permet à beaucoup de gens de se rassurer eux-mêmes en pointant du doigt ce qui restera pour eux une carte à ranger dans les cartons de la provocation.



Premier modèle pour 2008



En rappel pour ceux qui ratèrent les années bloguées précédemment: