mardi, mai 16, 2006

SEOUL-0506

7-12 mai 2006
Seoul - Pusan - Namyang - Changwon

Dans les coins et recoins de nos mémoires démolies par empilements successifs de données dérisoires et toxiques, s’échappent –en cherchant bien- des parcelles non modifiées de souvenir véritable.

J’ai rêvé dans ma chambre d’hôtel d’une rampe d’escalier, d’une lueur qui monte du rez-de-chaussée, mon corps qui se penche le premier, le côté gauche de mon visage que je sens chaud pendant le sommeil et qui soudain brûle et fond sous les flammes du troisième degré. De l’œil jusqu’au coin de ma bouche, une forme en V. Ma peau tendue après la fonte, mon œil au bacon.

Un aéroport dans le sud de la Corée, costard et cravate, le téléphone portable de ma femme qui sonne, c’est Pierre que j’ai revu à Seoul avant-hier soir après 23 ans d’ignorance. IL m’appelle d’une bande d’arrêt d’urgence après avoir perdu le contrôle de son véhicule, deux pneus éclatés, l’aile droite défoncée, nos rires s’emmêlent devant l’absurdité et nos souvenirs éthyliques récents. Je quitte le tapis roulant où valises, appareils numériques, écrans plasma et produits du terroir auraient bien voulu s’inviter dans le coffre de la voiture. Et arrivent finalement jusqu’au bout de mes doigts, là, maintenant.

Assis dans le coupé Mercedes qui trône sur un tapis persan au milieu des porcelaines du lobby de l’hôtel, je regrette de devoir me confirmer qu’il n’y a jamais rien eu à comprendre. De retour dans ma chambre, je regarde une bouteille plastique de coca light, sans ne pouvoir m’empêcher de penser qu’il lui manque quelque chose.

La Foire aux Atrocités. Mon livre de chevet semaines 19 et 20, pas plus de vingt pages par jour, en regard de la concentration nécessaire pour avancer. Pas de pilote de bombardier, pas de rencontre avec Elisabeth Taylor en allant aux toilettes dans l’avion, le visage de mon épouse n’épouse pas non plus la clarté du maquillage des sommets ensoleillés que nous survolons. L’étranger assis à côté de moi ne s’appelle pas le Docteur Nathan. Pas encore. Pas de rétrospective sur la vie et l’œuvre d’Eichmann dans les consommables en papier rangés dans la pochette du siège devant moi et qui harcèle mes genoux. Et Max Ernst, alors ?

C’est écrit quelque part dans le Libé du 10 mai : « murés dans un ennui qu’ils ne peuvent reconnaître comme tel parce qu’il est devenu l’élément constitutif, solidifiant, non seulement de leurs vies mais de l’ensemble du corps social. L’existence n’a pas plus de perspective sinon celle de l’opérationnalité sans joie des agents économiques et la conscience est si limitée dans ses fins qu’elle s’est atrophiée. »

D’avis de spécialiste, L’oxygène est un élément chimique toxique et corrosif assez peu répandu dans l’univers. Nous fonctionons pourtant avec. Grace à. Je me dis finalement que cela permet d’expliquer beaucoup de choses. Et beaucoup de gens.

Suis-je réellement intéressé de savoir à quelle date ma société sera rachetée par des Japonais ?

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