mercredi, mai 30, 2007

TOCSIN


L'éveil, d’une certitude, ce genre de choses sur lesquelles on ne revient pas, la formulation d’une évidence, à force de se répéter, comme un glaçon qui parcourt les artères et les veines, et qui revient périodiquement s’échoir dans le fond du cœur pour se heurter à ses parois, lui arrachant des vibrations et un son étouffé par trop similaire à celui d’une coque heurtant un banc de sable, comme le tocsin brumeux dans un village de haute montagne où à chaque décès c’est presque comme si l’on enterrait la moitié du village ; tocsin qui souligne si bien qu’ainsi va la vie, et que personne ne pourra rien y faire.

Libéré des horizontales, je me transporte de verticale en verticale, je vole de clocher en clocher, des églises où les prêtres n’officient plus qu’une fois par mois, des manoirs clandestins à eux-mêmes, aux bois qui les entourent, aux ronces naturelles et surnaturelles, clôtures et barbelés, qui les empêchent à jamais de revenir au village, pigeonniers abandonnés aux hiboux et aux rats, qui trônent hauts et massifs dans des cours de ferme aux rustines insultantes faites de tôles et de parpaings, où les vieux sont semble-t-il déjà morts plusieurs fois, dans l’indifférence des écrans, à coup sûr bientôt tous plats, cheminées d’usine où plus rien ne s’usine, où le métronome du délire humain s’est arrêté, rouillé, entre deux va-et-vient des godets qui s’inversaient puis déversaient un métal en fusion promis bientôt au laminage, comme tout le reste, comme tous ceux qui restent, tous ceux qui partirent et tous ceux qui partiront demain poursuivre ici ou ailleurs, dans la démesure, l’apprentissage plus très sorcier de l’irréalité sociale.

Je n’ai rien contre les métronomes, bien au contraire ; ils évitent que la musique ne s’emballe, ou que celle-ci ne s’embourbe ; ils permettent surtout que l’œuvre, d’une vie, puisse vibrer d’une même homogénéité, quel que soit l’artiste qui l’exécute, à l’oreille qui l’écoute, assidue ou distraite. En vérité, même sur un tempo « inadapté », on peut, sincère, apprécier la virtuosité de l’interprète ; changer d’adjectif, s’ouvrir et préférer « inattendu ».

C’était avant la suppression des métronomes et la libéralisation du marché des partitions, la généralisation des blanches -qui nécessitent moins d’encre que les noires à l’impression-, la suppression des portées, réduites à une seule ligne, la disparition des armures, trop lourdes à porter, la standardisation des clés, une seule suffisait, puis plus aucune puisque tout le monde savait de laquelle on parlait.

C’était avant que tout ne commence à sonner faux ; c’était malheureusement après que les gens ne puissent plus se rendre compte à quel point ils étaient devenus sourds.

Sourds à lier.





[Intra-Muros] [42]

mardi, mai 22, 2007

EXTRACTIONS-CINQUANTE-NEUF

----- François Mauriac / Le Fleuve de feu
----- Bernard Grasset, 1923

« On ne sait pas tout ce que l’enfance en se retirant laisse en nous de débris. Ah ! faux sentiments, «mysticaillerie»…

READ DURING WEEK 18/07
Les autres extractions du livre, ici.

EXTRACTIONS-CINQUANTE-HUIT

----- Julien Gracq / La presqu'île
----- Librairie José Corti, 1970

« Quand l’œil désoeuvré plonge d’un balcon la nuit, à travers la rue, dans une pièce éclairée dont on a oublié de clore les rideaux, on voit des silhouettes qui semblent flottées sur une eau lente se déplacer aussi incompréhensiblement que des pièces d’échecs dans l’aquarium de cet intérieur inconnu. »

READ DURING WEEK 16&17/07
Les autres extractions du livre, ici.

IAN-C



When routine bites hard,
and ambitions are low,
And resentment rides high,
but emotions won't grow...

dimanche, mai 20, 2007

SE-METTRE-EN-QUATRE


Je suis convié par Saint-Rich à répondre à un petit questionnaire littéraire.
Voici alors les réponses que je ferais:

Les 4 livres de mon enfance :
5 semaines en ballon // Jules Verne
Dix petits nègres // Agatha Christie
Le Petit prince // A. de St Exupery
Le Chateau de ma mère // Marcel Pagnol

Les 4 écrivains que je lirai et relirai encore :
Julien Gracq
Philip K. Dick
Stanilaw Lem
Asimov

Les 4 auteurs que je ne lirai probablement plus jamais :
Nothomb
BHL
Les Apôtres
W. Burrough

Les 4 premiers livres de ma liste à lire :
Le loup des steppes // H. Hesse (en cours)
La ferme des animaux // G. Orwell (acheté)
Mort à Crédit // Céline (acheté) (*)
Sade et la loi // François Ost (acheté)

Les 4 livres que j'emporterais sur une île déserte :
A la recherche du temps perdu // Proust, puisque j'aurai enfin le temps...
Le Coran, par esprit d'ouverture, puisqu'il faut du temps...
Les contes de Terremer // Ursula le Guin, pour réver, j'aurai le temps...
Le rivage des Syrthes // J. Gracq, pour l'amour de la littérature...

Les derniers mots d'un de mes livres préférés :
"Une nuit, mes vêtements s’embrasèrent. Je me maintins au niveau de la cendre pendant quelques temps, en grelottant et en pleurnichant. Disons quatre ou cinq ans encore. Il m’arrivait d’émettre des gémissements pour faire semblant de parler avec le vent, mais plus personne ne s’adressait à moi. Disons que j’avais été le dernier, cette fois-là. Disons cela et n’en parlons plus."
Des anges mineurs // A. Volodine

Les 4 lecteurs dont j'aimerais connaître les 4 :
IF6, Cheval Blanc, Kamisama, Eden...

(*) Etonnant, St-Rich, non ?

[Recadrage] [11]

jeudi, mai 10, 2007

EXTRACTIONS-CINQUANTE-SEPT

----- François Mauriac / Un adolescent d'autrefois
----- Flammarion, 1982

« Je me retrouvais dans cette ténèbre lactée d’un soir de lune, te que je suis toujours en ces heures-là, attentif au ruissellement de la Hure, à cette calme nuit murmurante, pareille à toutes les nuits, à cette même clarté qui baignera la pierre sous laquelle le corps que je fus finira par pourrir. Ce temps qui coule comme la Hure et la Hure est là toujours et sera là encore et continuera de couler… Et c’est à hurler d’horreur. Comment font les autres ? Ils n’ont pas l’air de savoir. »

READ DURING WEEK 14&15/07
Les autres extractions du livre, ici.

mercredi, mai 09, 2007

EN-VADROUILLE...


Week-end passé du côté de chez Olivier, loin des grandes villes, loin de tout.
à cent mètres de la frontière belge.


[Recadrage] [10]

mercredi, mai 02, 2007

EXTRACTIONS-CINQUANTE-SIX

----- Julien Gracq / Un Beau Ténébreux
----- Librairie José Corti, 1945

« Là pourtant serait peut-être le seul crime sans rachat : dans une vie gâchée, rognée, rongée par la paresse, la peur, le scrupule calculateur. L’anéantissement minutieux et quotidien des possibilités offertes. Et, pour en finir, cet étouffement, justifié par un moelleux système de scepticisme. Ce qui commence par « Je me hâtais de déplaire exprès, par crainte de déplaire naturellement » (Mauriac) continue par « Je me hâtais d’échouer exprès, par crainte d’échouer naturellement », et pourrait se terminer un jour par : « Je me hâtai de mourir exprès, par crainte de mourir naturellement » (une phrase d’excellent comique). Rien de plus propre peut-être à épuiser une vie qu’une telle combinaison de l’orgueil et de la lâcheté (« Cela finira mal »). »

READ DURING WEEK 13/07
Les autres extractions du livre, ici.