lundi, janvier 29, 2007

REPONSE


Vents diurnes, quels que soient les noms que d'autres ont pu leur donner, peu importe, assurément, charme des sonorités dont ils sont ainsi gratifiés, charme des euphonies naturelles qu’ils nous rendent, avec plus ou moins d’intensité, selon les éléments du décor, réels ou imaginés, et qui sont autant d'invitations au voyage, même si ces virées ne se passent qu’à l'intérieur, le plus simplement du monde.

Perles de marées, qui de leur violence maculée d’innocence éclaboussent pitons, falaises et baies, qui ignorent tout du plaisir que l'on peut tirer à les regarder, qui ignorent tout de ce rapt sybaritique flagrant d’inexactitude qui s’avoue sur tous les clichés ramenés de ce rendez-vous manqué, qui ignorent ce qu'est même un regard, qui ignorent même jusqu'à leur propre existence, essence et spontanéité, qui ignorent se donner, qui donnent tout et ignorent de demander.

Nuits étoilées dans l'infini silence qui se dénude, chaleur de l'été qui reviendra bientôt, qui assèche les larmes, qui fait soupirer l'asphalte des routes, vision binaire des choses, des gens, construction tertiaire du temps qui passe, cycle quaternaire des saisons, battement solitaire de mon cœur, dans le vent de la plage, la nuit, l'été.

Appréhension totale ou partielle, de ces milliers de nuances qui enrichissent le gris, de toutes ces feuilles qui frémissent sur un arbre, que certains amalgament, qui sont toutes un cas particulier ; un arbre confia un jour être autant de fois qu'il est de feuilles.

Sur un coin de table, attendant la poussière, posées, des questions sans réponse que personne ne se pose, belles et inconnues, d’autres que personne ne devrait poser, rutilantes et inutiles, d’autres encore que seules les personnes se posent, éternelles et infructueuses.

Ne plus répondre de rien, hormis de l’authenticité irrémédiable et inaltérée du toucher de mes deux mains endormies sur le bois de la table.




[Intra-Muros] [35]

jeudi, janvier 25, 2007

NO-FLY-MAN-LIKE-TREES



CLICK

Collage numérique - Photoshop - 23 janvier 2007
Voiker

EXTRACTIONS-QUARANTE-SEPT

----- J.G. Ballard / L'île de béton
----- 10/18 Domaine Etranger, 1991 /\ Concrete Island, 1973

"L’île était vraiment étrangère au réseau routier, infiniment plus ancienne que toute la région. On aurait dit que ce triangle de terrain vague avait survécu volontairement à force d’humilité têtue, et qu’il continuerait à persévérer dans l’être, inconnu, insoupçonné, quand les autoroutes seraient depuis longtemps retombées en poussière."

READ DURING WEEK 01/07
Les autres extractions du livre, ici.

lundi, janvier 22, 2007

THE-WORLD-AS-IT-IS



Ce n'est peut-être que dans ma tête.
Il faudrait que je regarde. De plus près.
Ou de plus loin, alors.


[Recadrage] [7]

mercredi, janvier 10, 2007

FAUTEUIL


Je m'essaye à la mélancolie du présent, la nostalgie de ma vie d’aujourd’hui, dont je me sépare volontaire, sans tambour ni trompettes, au rythme de jours qui sont désormais comptés, et j’anticipe ces moments futurs où quelqu’un d’autre viendra me les conter, avec le regard neuf et incomplet, étrangement distant et caricatural de son œil extérieur, myope, que je pardonne déjà. Car un inconnu, aigle ou vautour, viendra sans aucun doute me demander des comptes, par soif de détails ignorés, ou lors d’une simple inquisition intellectuelle, visite inutile dans les ruines de mon futur passé que je prépare. Maintenant.

Je m’essaye comme vous essaieriez un fauteuil encore neuf et fraîchement déballé, à ceci près que l’exercice auquel je me livre consiste à l’imaginer vétuste, défraîchi, décati et usé, branlant dans un coin mal éclairé du hangar d’un brocanteur. Que me restera-t-il des sensations de cette vie qui va s’estomper, comment revivrai-je parfois en pensées le souvenir du confort de l’assise que j’avais aujourd’hui, comment reverrais-je la place du fauteuil dans la salle à manger, le soulagement, l’apaisement et la tranquillité qu’il apportait également aux autres que moi. Car tout le drame d’une vie est là, peut-être, dans l’asservissement unilatéral du fauteuil que je suis, fus et serais toujours, incapable de tirer le moindre confort de son propre confort, incapable de ne tirer comme autre réconfort que le confort de celles et ceux qui s’assoupissent entre ses bras. Existe-t-il, ce quelqu’un qui aura la présence d’esprit de me soustraire au monde, ne fut-ce qu’un court instant, pour une réfection de circonstance, une restauration, en substance ?

Tendue, ma peau, comme le velours clouté sur le squelette en bois d’un Voltaire.




[Intra-Muros] [34]

jeudi, janvier 04, 2007

AVANT-D-OUBLIER


Garée, une Mercedes noire sur la ligne réservée aux taxis, chaussée de droite quand vous descendez les Champs-Elysées. Lourds sont les gardes du corps qui s'en extraient, suivis aussitôt par la légèreté de deux filles jeunes et moulées dans leur jeans, brunes et cheveux bouclés au vent du Moyen-Orient, qui trottinent et s'agrippent bientôt au bras de deux hommes dans la force de l'âge qui effectuaient la descente depuis la Place de l’Etoile, à pied; elles viennent les illuminer comme les guirlandes sur les arbres de l'avenue. Heureuse, une grand-mère assise au théâtre Mouffetard, qui tourne fréquemment la tête vers sa petite fille assise à côté d'elle pour lui sourire tout au long du spectacle, peut-être pour stimuler l'intérêt de la petite pour les Fables de La Fontaine, à moins que ce ne soit pour se confirmer que la petite prend autant de plaisir qu'elle, ou pour se rassurer que le bonheur qu'elle souhaitait lui offrir est apprécié à la valeur qu'elle en attendait, ou pour tirer son propre bonheur du bonheur de la petite. Songeur et patient, mon père assis dans un siège en cuir, à la sortie de la salle des espèces disparues ou en voie de disparition du Musée d'Histoire Naturelle, ignorant tout de ma récente fascination pour le Couagga dont le dernier spécimen se serait éteint en 1883 au zoo d'Amsterdam. Ecoutante, une jeune stagiaire métisse à qui le chef de salle explique la répartition des tâches de l'équipe du petit déjeuner au Novotel Montparnasse. Endormie, une femme assise sur ses genoux au pied d'un escalier d'une station de métro, le bras au sol tenant un gobelet vide. Vives, quatre femmes d'origine russe au sommet de l'Arc de Triomphe, discutant entre elles d'un sujet que ni vous, ni moi, ni les soldats morts ne connaîtrons jamais. Absent, un couple d'adolescents qui s'embrasse dans le sous sol du Musée de la Magie, alors que j'écoute un résumé de la vie de Jean-Eugène Robert-Houdin depuis le début et jusqu'à sa fin. Soucieux, un petit vieux rondouillard cherchant du regard ses lunettes qui viennent de tomber sur le sol du restaurant alors qu'il se rendait aux toilettes; le serveur de lui confirmer à voix haute qu'elles sont cassées; des morceaux de verres, épars, traînent à leurs pieds. Souriante, cette fille en K-way étonnée de ma réponse décontractée face à sa tentative réussie de m'alléger d'une cigarette.

Deux jours à Paris, la tour Eiffel est magnifique, sa robe miroite et son œil de cyclope balaye le ciel de la capitale dans la nuit. Saura-t-elle me dire, enfin, s’il est important que certaines choses aient de l'importance ?




[Intra-Muros] [33]