jeudi, août 23, 2007

EXTRACTIONS-SOIXANTE-DEUX

----- Louis-Ferdinand Céline / Mort à crédit
----- Editions Gallimard, 1952

« Toi n’est-ce pas, qui te laisses vivre ! Qu’est-ce que ça peut te faire ? Tu t’en fous au maximum des conséquences universelles que peuvent avoir nos moindres actes, nos pensées les plus imprévues !... Tu t’en balances !... tu restes hermétique n’est-ce pas ? calfaté !... Bien sanglé au fond de ta substance… Tu ne communiques avec rien… Rien n’est-ce pas ? Manger ! Boire ! Dormir ! Là-haut bien peinardement… emmitouflé sur mon sofa !... Te voilà comblé… Bouffi de tous les bien-être… La terre poursuit… Comment ? Pourquoi ? Effrayant miracle ! son périple… extraordinairement mystérieux… vers un but immensément imprévisible… dans un ciel tout éblouissant de comètes… toutes inconnues… d’une giration sur une autre… et dont chaque seconde est l’aboutissant et d’ailleurs encore le prélude d’une éternité d’autres miracles… d’impénétrables prodiges, par milliers !... Ferdinand ! millions ! milliards de trillions d’années… Et toi ? que fais-tu là, au sein de cette voltige cosmologonique ? du grand effarement sidéral ? Hein ? tu bâfres ! Tu engloutis ! Tu ronfles ! Tu te marres !... Oui ! Salade ! Gruyère ! Sapience ! Navets ! Tout ! Tu t’ébroues dans ta propre fange ! Vautré ! Souillé ! Replet ! Dispos ! Tu ne demandes rien ! Tu passes à travers les étoiles… comme à travers les gouttes de mai !... Alors ! tu es admirable, Ferdinand ? Tu penses véritablement que cela peut durer toujours ? »

READ DURING WEEK 22&23&24/07
Les autres extractions du livre, ici.

mardi, août 21, 2007

PEAU-AIME-(28)



Cirques cendrés tels les cratères lunaires
De la lampe de nuit qui, pudique, l’éclaire,
Recherchant, minutieuse, bouquetins endormis
Sur les tapis de fleurs que leurs flancs ont flétris,
Couple de minuit, d’admirer nul ne se lasse
La beauté dévoilée de vos uniques faces.

Accrochée là où son pelage s’atténue,
Dans le creux d’une épaule par le vent mise à nue,
Tel l’ancien support maladroitement cousu
D’une croix de guerre qui branlante qui perdue,
Une lointaine bergerie défie de sa présence
La mémoire des anciens, brumes d’adolescence.

Mystique, lent et démesuré vers les sommets,
Le combat du soleil sur les glaces éternelles,
Evoquant les contours d’un visage paternel
Dans l’échoppe du barbier, immobile, oublié,
Ici une joue, là le haut du cou, savonnés,
Attendant ce rasoir qui ne viendra jamais.

Illusion immobile d’une carte postale
Que la caravane des nuages atténue,
Fasciné par mon incapacité totale
De prendre la mesure des millénaires échus.


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