jeudi, janvier 04, 2007

AVANT-D-OUBLIER


Garée, une Mercedes noire sur la ligne réservée aux taxis, chaussée de droite quand vous descendez les Champs-Elysées. Lourds sont les gardes du corps qui s'en extraient, suivis aussitôt par la légèreté de deux filles jeunes et moulées dans leur jeans, brunes et cheveux bouclés au vent du Moyen-Orient, qui trottinent et s'agrippent bientôt au bras de deux hommes dans la force de l'âge qui effectuaient la descente depuis la Place de l’Etoile, à pied; elles viennent les illuminer comme les guirlandes sur les arbres de l'avenue. Heureuse, une grand-mère assise au théâtre Mouffetard, qui tourne fréquemment la tête vers sa petite fille assise à côté d'elle pour lui sourire tout au long du spectacle, peut-être pour stimuler l'intérêt de la petite pour les Fables de La Fontaine, à moins que ce ne soit pour se confirmer que la petite prend autant de plaisir qu'elle, ou pour se rassurer que le bonheur qu'elle souhaitait lui offrir est apprécié à la valeur qu'elle en attendait, ou pour tirer son propre bonheur du bonheur de la petite. Songeur et patient, mon père assis dans un siège en cuir, à la sortie de la salle des espèces disparues ou en voie de disparition du Musée d'Histoire Naturelle, ignorant tout de ma récente fascination pour le Couagga dont le dernier spécimen se serait éteint en 1883 au zoo d'Amsterdam. Ecoutante, une jeune stagiaire métisse à qui le chef de salle explique la répartition des tâches de l'équipe du petit déjeuner au Novotel Montparnasse. Endormie, une femme assise sur ses genoux au pied d'un escalier d'une station de métro, le bras au sol tenant un gobelet vide. Vives, quatre femmes d'origine russe au sommet de l'Arc de Triomphe, discutant entre elles d'un sujet que ni vous, ni moi, ni les soldats morts ne connaîtrons jamais. Absent, un couple d'adolescents qui s'embrasse dans le sous sol du Musée de la Magie, alors que j'écoute un résumé de la vie de Jean-Eugène Robert-Houdin depuis le début et jusqu'à sa fin. Soucieux, un petit vieux rondouillard cherchant du regard ses lunettes qui viennent de tomber sur le sol du restaurant alors qu'il se rendait aux toilettes; le serveur de lui confirmer à voix haute qu'elles sont cassées; des morceaux de verres, épars, traînent à leurs pieds. Souriante, cette fille en K-way étonnée de ma réponse décontractée face à sa tentative réussie de m'alléger d'une cigarette.

Deux jours à Paris, la tour Eiffel est magnifique, sa robe miroite et son œil de cyclope balaye le ciel de la capitale dans la nuit. Saura-t-elle me dire, enfin, s’il est important que certaines choses aient de l'importance ?




[Intra-Muros] [33]

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Avant de lire tes récentes contributions aux Lettres, je voudrais te souhaiter à mon tour mes modestes voeux.
phénix

Anonyme a dit…

toi à Paname et bibi en ardèche, au moins je sais maintenant que tu fûmes...
hasta légo et bonne anée mister

hue

Anonyme a dit…

Bien, j'ai observé également la foule, les lumières de Paris, la pluie miroir des fins d'après-midi en ce début de nouvelle année...la tour Eiffel, la magnifique ! Ce qu'elle pourrait révéler ? Peut-être nous sommes nous croisés sans le savoir mais de là à dire que c'est important, je ne sais pas. Le monde est petit et encore plus à ses pieds.

Je te souhaite de ne ne rien oublier des univers qui sont sans importance apparente et à nous tous de les partager ici même.

Belle 2007 à toi.

D'Arcy a dit…

Phénix édenté> en toute modestie, réciproque.

Jedï> Très belles photos de ton ardèche à toi sur ton blog, by the way. Fascinantes.

Eden> Très agréable commentaire de ta part. Ces "univers sans importance", tellement importants pour moi...

Anonyme a dit…

tu avais raison l'autre jour, voiker, c'est gonflant de lire des textes où l'auteur met des mots à la place d'autres....;-)

tout est toujours très important sans que rien ne le soit jamais...et ne l'ait jamais été.

D'Arcy a dit…

GMC> J'aime la beauté de l'inimportant (tel qu'il est percu comme tel par les autres).
Rien n'est important, donc l'inimportant est tout.
J'ai toujours ces vers de Supervielle dans le coin de la tête:

"Ce cheval qui tourna la tête
Vit ce que nul n'a jamais vu
Puis il continua de paître
A l'ombre des eucalyptus.
(...)
C'était ce qu'un autre cheval,
Vingt mille siècles avant lui,
Ayant soudain tourné la tête
Aperçu à cette heure-ci."

Anonyme a dit…

très jolis vers

Anonyme a dit…

Petite transmission depuis la province. Pas en avance, mais bon... Tous mes voeux virtuels les plus sincères, mon petit Voiker.

(et hop, je retourne sous la surface, façon sous-marin)

à bientôt (très bientôt) sur la toile

kami

D'Arcy a dit…

Merci pour tes bons voeux...
Je me demandais où tu étais parti passer l'hiver, hibernation ou criogénisation....