lundi, juin 04, 2007

SIRENES


Les battements désordonnés du cœur des mouettes, les virages accidentés qui rythmaient leur vol, donnant cette illusion qu’un enfant malsain les télécommandait à distance, armé d’une méchanceté ludique si caractéristique à son âge, que l’on croît disparaître au fur et à mesure qu’il grandit, que l’on retrouvera plus tard jusque dans les faits les plus anodins de sa vie, ce petit goût de vinaigre résiduel dans chaque être humain, si aisément décelable, sans diplôme d’œnologie, chez ceux qui ne cachent plus au combien ils sont aigris.

Les mouettes, gueules ouvertes, tentant désespérées, tels des fantômes insomniaques qui hésitent, essayent puis renoncent à vouloir enfin tout raconter, de rattraper le cri qu’elles viennent tout juste d’expulser, dans la sonorité froide du gris du ciel dont elles ne peuvent ni se détacher ni se montrer propriétaire, existences déposées là dans le hasard des steppes aériennes comme les arbres torturés qui saupoudrent la Sibérie des mêmes ombres accusées, plus rongées encore peut-être de l’intérieur que les coques de ces bateaux sombrés qui tentent de définir, sans oser négocier, la manière dont ils vont bien pouvoir dorénavant trouver leur place.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante dans les vagues insolentes et envoya par le fond drakkars et goélettes, rafiaux et galions, trois mâts et humbles voiliers, navires de guerre et leurs armées, esclaves et marins, pirates et marchands, corsaires et flibustiers, antiques épaves célèbres et oubliées, dans le déchaînement des éléments naturels, des boulets, des torpilles, des avions kamikase.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante dans les vagues indolentes et échoue pour de bon tankers et pétroliers, transporteurs d’hydrocarbures bruts ou raffinés, qui se pâme comme une veuve libérée dans l’écharpe mortuaire qui s’échappe du corbillard, robe de deuil recouvrant toutes les tombes, épargnant, seuls, certains rochers plus élevés qui s’extirpent dans l’effort pour respirer et qui semblent tendre, le regard halluciné, une main vers le ciel pour demander secours au divin.

Comment s’appelle-t-elle, cette douce sirène qui chante aux oreilles des princes du Moyen-Orient, pour qu’ils saignent la terre de son sang d’ébène, arpentant les mers de sable un faucon perché sur le bras, aussi sacré pour eux que l’embonpoint d’opulence et d’orgueil qui les trahit délibérément; qui chante aux oreilles des princes de l’industrie, spécialistes de la transfusion, pour qu’ils éclaboussent les côtes avec le sang froid, le détachement et le sentiment de culpabilité d’un tueur à gages entre deux basses besognes.

Sirènes et naufrages, mouettes & Chandon, le carburant sur leurs plumes est encore plus noir que vous ne le pensez.





[Intra-Muros] [43]

3 commentaires:

Anonyme a dit…

hello
voi
je ne comprends rien à la fin,
de la douce sirène
elle nage entre deux eaux?
bisous.

D'Arcy a dit…

IF6> j'évoque dans ce texte différentes sirènes, celle qui coula les anciens bateaux, et elle a de visage, selon qu'elle est mère nature ou l'un des bras de la guerre, celle qui coule les pétroliers et crée des marées noires (et on s'approche du sujet central du texte), celle qui motive certains à extraire le pétrole, d'autres à le transporter pour l'injecter dans l'économie (et là c'est madame la sirène profit), et le dernier paragraphe et là pour dire que les intentions de ces sirènes sont bien noires, très noires...

Anonyme a dit…

A trop écouter le chant des sirènes… enfin, toute ressource tarit...